Utopie et écotone : Enjeux contemporains

 

Ecotones 8

Université de Gand, Belgique

29 septembre – 1 octobre 2022

 

 

En partenariat avec

EMMA (Université Paul-Valéry Montpellier 3), DIRE (Université de La Réunion) et Maison Française d’Oxford

https://emma.www.univ-montp3.fr/fr/valorisation-partenariats/programmes-européens-et- internationaux/ecotones 

Lieu : Université de Gand, Belgique

Dates : 29 septembre – 1 octobre 2022

Langues : français, anglais

Envoi des propositions : 30 avril 2022

Date de notification : 31 mai 2022

 

 

Ce colloque international à l’Université de Gand sera le 8e opus du cycle de conférences « Écotones » dans la lignée des colloques tenus à l’Université́ Paul-Valéry Montpellier 3, à l’Université́ de Poitiers et à l’Université́ de La Réunion (France, 2015, 2016, 2018), au Centre pour l’Étude des Sciences Sociales de Calcutta (CSSSC, Inde, 2018), Manhattanville College (États-Unis, 2019), à l’Université́ Concordia (Canada, 2019) et à l’Université du Cap (Afrique du Sud, 2021). Le programme « Ecotones : encounters, crossings, communities » (2015-2022) est un cycle de colloques visant à reprendre ce terme traditionnellement utilisé en géographie et en écologie, et à élargir le concept en l’appliquant aux disciplines des sciences humaines, politiques et sociales. Ce colloque interdisciplinaire portera plus spécifiquement sur les utopies qui émergent ou portent sur des écotones.

Un « écotone » désigne initialement une zone de transition écologique entre deux (ou plusieurs) écosystèmes distincts, le passage entre deux types d’habitat (forêt / prairie) ou le flux entre deux environnements naturels (eau douce / eau de mer). En expliquant comment cette zone de transition peut être étudiée sous un angle sociologique autant que biologique, Misrahi-Barak et Lacroix (2019 ; voir aussi Arnold et al. 2020) en ont élargi la définition : un écotone peut donc aussi désigner un espace culturel où des communautés se rencontrent, parfois se mélangent ou créent une nouvelle communauté. Lieu (oikos) de tensions (tonos) identitaires à l’œuvre, l’écotone représente un espace alternatif partagé, propice à la connexion, à la transformation, et potentiellement à la réinvention. Ce 8e opus entend poursuivre la réflexion entamée lors des précédentes éditions sur la « chimie complexe » des mondes créoles (Cohen 2009), les « zones de contact » entre les cultures (Pratt 1992) dans des contextes tels que les migrations, les diasporas, les mouvements de réfugiés et autres déplacements postcoloniaux, les déplacements liés au changement climatique et autres événements historiques majeurs de la période contemporaine (1980 à nos jours) par le prisme de l’« utopie ».

La définition de l’écotone, ainsi que nous venons de la livrer, fait écho à celle de l’utopie telle qu’appréhendée à l’époque contemporaine : à travers le pouvoir de l’imagination, l’utopie serait le lieu révélateur d’un nœud de tensions (Benjamin 1997) qu’il s’agit de comprendre, de critiquer et de réinventer. L’hypothèse que pose ce colloque est que l’écotone est propice au réveil de l’utopie, hypothèse qui sera spécifiquement posée face aux enjeux contemporains. Depuis une vingtaine d’années émergent des propositions utopiques, non pas dans le sens traditionnel, largement péjoratif, évoquant un avenir si brillant qu’il semble irréel, ce qui conduit à des pratiques politiques oscillant entre impuissance et dictature ; mais en ce sens qu’elles iraient à contre-courant des rapports sociaux dominants dans une démarche résolument active (Balibar 2020). L’essentiel ne serait donc pas l’anticipation de l’avenir, mais, au présent, l’exercice d’une pensée concrète, qui invente des contre-récits et expérimente des modes de relation alternatifs. Cet aspect pragmatique de l’utopie réactive Le Principe espérance d’Ernst Bloch (1976), selon lequel la véritable utopie ne serait pas une « image de consolation », un recours fictionnel face au « désenchantement », ou encore une abstraction chimérique, mais plutôt un dépassement, une figure de l’imaginaire à inscrire dans la matérialité́ du monde (Wright 2010). Conscience anticipante, expérience de pensée, loin de la tentation totalitaire, elle serait plutôt une porte ouverte sur des possibles, sur des projets de transformation réalisables, ici et maintenant. Par exemple, l’idée de « Refugia » émanant de Robin Cohen (2015), que le sociologue spécialiste des études migratoires approfondit aux côtés de Nicholas Van Hear (2020) : Refugia est la proposition de créer une entité déterritorialisée, transnationale, entre différents sites développés et auto-gouvernés à partir d’initiatives essentiellement menées par des personnes en situation migratoire. Cet utopianisme pragmatique s’inspire à la fois de l’écotone en tant qu’espace socialement partagé et de l’archipel en tant qu’espace de mise en relation (Glissant 1997) pour remettre en question le modèle de l’État-nation face à sa capacité à offrir l’hospitalité aux individus migrants. Dans le contexte actuel de la crise de l’asile – autrement appelée « crise migratoire » –, plus qu’un principe espérance, l’utopie pourrait aussi être une tentative de résistance convoquant un principe de responsabilité (Delmas-Marty 2011).

« Voyons comment nous greffons l’Utopie sur ces plants rassemblés de la végétation créole », disait le poète, écrivain et philosophe Édouard Glissant dans son roman Tout-monde (1993). Dans un même élan heuristique, l’objectif de ce colloque est de repousser les limites épistémologiques de l’utopie en l’observant depuis l’écotone. En quoi un écotone est-il une zone de circulation propice à l’émergence d’utopies, que ce soit à des fins économiques, sociales, industrielles et financières, ou artistiques et créatives ? En quoi l’utopie permet-elle de questionner l’écotone, par exemple du côté de ses frontières, de ses marges ou de ses flux, et inversement ? Comment la pensée utopique intègre-t-elle les diversités engendrées par l’écotone ? Existe-t-il un modèle d’écotone idéal, inclusif et égalitaire, qu’il soit réel ou imaginaire ? Quels nouveaux modes de relation l’écotone permet-il d’inventer dans des contextes postcoloniaux ? Métaphorique ou concret, comment l’écotone renouvelle-t-il les modes de représentation ? Comment l’utopie appréhende-t-elle l’évolution des zones de transition, notamment engendrées par les changements écologiques ? Et que dire du maillage qui se tisse entre les êtres humains et la totalité du vivant ? Quels rôles peut jouer l’utopie dans le devenir et dans les réalisations sociales, économiques, urbaines, écologiques contemporaines face au défi migratoire dans un monde globalisé, et au changement climatique ? Et les villes modèles, ou città idéale ? Comment l’utopianisme, souvent perçu comme une construction essentiellement occidentale, est-il renouvelé par les pays du Sud et leurs diasporas ?

Le colloque « Utopie et écotone » convoquera, révisera et prolongera au prisme de l’utopie les notions de « lieu » (oïkos) et de « non-lieu » (outopos) (Agier 2013), d’« hétérotopie » (Foucault 1994), de « déterritorialisation » et de « lignes de fuite » (Deleuze et Guattari 1980), de marronnage (Bona 2016) et de « l’enchevêtrement inextricable des lianes » (Bona 2021). La dimension transnationale de l’écotone sera également interrogée à partir des concepts tels que de « cosmopolitisme » (Beck 2006, Vertovec 2002), d’« afropolitanisme » (Mbembe 2005, 2019; Diop 2016; Gehrmann 2016; Balakrishnan 2018) ou d’« afropéanisme » (Miano 2020). La circulation des mondes permet en effet l’émergence de nouvelles conceptualisations, pragmatique et programmatique, d’« utopies émancipatrices » (Vergès 2017), telles que les « afrotopies » (Sarr 2016), que nous invitons à observer, tant dans le monde anglophone que francophone. En tant qu’analogie issue d’une pensée de l’environnement, l’écotone met en évidence la notion d’« interconnectivité » (Morton 2008), selon laquelle les composants sont intrinsèquement liés à l’ensemble du vivant, mais aussi qu’ils sont continuellement et répétitivement reconfigurés et reconnectés. Conjointement avec les sciences politiques et sociales, une place de choix sera accordée aux représentations littéraires et artistiques de ces multiples formations contemporaines d’utopies portant sur les questions de flux et de mobilité dans les espaces écotonaux.

Informations pratiques

Le colloque « Utopie et écotone » se tiendra du 29 septembre au 1er octobre 2022 à Gand (Belgique). Les langues d’expression seront le français et l’anglais. Chaque présentation durera 20 minutes (suivie d’un temps de discussion). Une sélection d’articles sera considérée pour publication.

 

Le colloque aura lieu en présentiel uniquement. Les frais de déplacement et de séjour devront être pris en charge par les participant·es. Des frais d’inscription serait demandés

 

Modalités de soumission

Les propositions de communication, en anglais ou français, en format .doc ou .docx devront comporter un titre, un résumé de 300 mots qui précise clairement le corpus étudié, une courte bibliographie critique, une notice bio-bibliographique de 5 lignes (comprenant le nom, l’appartenance institutionnelle et l’adresse électronique de l’auteur·rice).

 

Elles sont à envoyer par courriel à Justine Feyereisen : justine.feyereisen@ugent.be d’ici le  30 avril. La décision du comité scientifique sera communiquée le 31 mai.

 

Références

Agier M.: 2013, La Condition cosmopolite. L’Anthropologie à l’épreuve du piège identitaire, La Découverte.

Arnold M., Duboin C., Misrahi-Barak J. eds.: 2020, Borders and Ecotones in the Indian Ocean, Presses universitaires de la Méditerranée.

Balakrishnan S.: 2018, “The Afropolitan Idea: New Perspectives on Cosmopolitanism in African Studies”, Delanty G. (ed.), Routledge International Handbook of Cosmopolitanism Studies (2nd ed.), Routledge, 575-585.

Balibar É.: 2020, Histoire interminable, La Découverte.

Beck U.: 2006, Qu’est-ce que le cosmopolitisme ?, Aubier.

Bloch E.: 1976, Le Principe Espérance I [1954-1959], Gallimard.

Bona D.T. : 2016, Fugitif, où cours-tu ?, Presses universitaires de France

___: 2021, La Sagesse des lianes. Cosmopoétique du refuge, Post-éditions.

Cohen R.: 2009, The Creolization Reader. Studies in Mixed Identities and Cultures, Routledge.

___: 2015, « Refugia: the limits and possibilities of Buzi’s Refugee Nation”, https://nandosigona.

wordpress.com/2015/07/30/refugia-the-limits-and-possibilities-of-buzis-refugee-nation.

___, Van Hear N.: 2020, Refugia. Radical Solutions to Mass Displacement, Routledge.

Deleuze G., Guattari F.: 1980, Mille plateaux. Capitalisme et schizophrénie, Minuit.

Delmas-Marty M.: 2011, Les Forces imaginantes du droit IV. Vers une communauté de valeurs, Seuil.

Diop P.S.: 2016, « Des mots et concepts nouveaux en circulation dans l’espace francophone : l’“Afropolitanisme” en question », Nouvelles études francophones, 31.2, 14-28.

Duverger T.: 2021, Utopies locales, les solutions écologiques et solidaires de demain, Les Petits Matins.

Fassin D (dir): 2021, La Société qui vient, Seuil.

Foucault M.: 1994, Dits et écrits, Gallimard.

Gehrmann S.: 2016, “Cosmopolitanism with African roots. Afropolitan’s ambivalent mobilities”, Journal of African Cultural Studies, 28.1: 61-72.

Glissant E.: 1993, Tout-monde, Gallimard.

___ : 1997, Traité du Tout-monde, Gallimard.

Mangeon A.: 2022, L’Afrique au futur. Le renversement des mondes. Herman.

Mbembe A.: 2005 (25 December), « Afropolitanisme », Africultures, http://africultures.com/afropolitanisme-4248.

___, Sarr F. (dir): 2019, Politique des temps. Imaginer les devenirs africains, P. Rey & Jimsaan.

Miano L.: 2020, Afropea. Utopie post-occidentale et post-raciste, Grasset.

Misrahi-Barak J., Lacroix T.: 2019, “Ecotones: Encounters, crossings, and communities, 2015-2020”, Programme outlines, https://emma.www.univ-montp3.fr/fr/valorisation-partenariats/programmes-européens-et-internationaux/ecotones.

Morton T.: 2008, The Ecological Thought, Harvard University Press.

Pratt M. L.: 1992, Imperial Eyes: Travel Writing and Transculturation, Routledge.

Sarr F.: 2016, Afrotopia, P. Rey.

Vergès F.: 2017, « Utopies émancipatrices », Mbembe A., Sarr F. (eds.), Écrire l’Afrique-Monde, P. Rey & Jimsaan, 243-260.

Vertovec S., Cohen R.: 2002, Conceiving Cosmopolitanism, Oxford University Press.

Wright E.O.: 2010, Envisioning Real Utopias, Verso.

 

Comité organisateur

Justine Feyereisen, Universiteit Gent

Pierre Schoentjes, Universiteit Gent

 

Comité scientifique

Corinne Duboin, Université de La Réunion

Justine Feyereisen, Universiteit Gent

Thomas Lacroix, CNRS, Sciences Po-CERI, Maison Française d’Oxford

Judith Misrahi-Barak, EMMA, Université Paul-Valéry Montpellier 3

Pierre Schoentjes, Universiteit Gent

 

Coordinatrices et coordinateur du programme Ecotones

Thomas Lacroix, CNRS, Sciences Po-CERI, Maison Française d’Oxford

Judith Misrahi-Barak, EMMA, Université Paul-Valéry Montpellier 3

Maggi Morehouse, Coastal Carolina University

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